Coup dur : la cuisine lyonnaise amputée d’une étoile

Décidément, le guide Michelin semble avoir décidé de s’en prendre à la gastronomie en Rhône-Alpes-Auvergne ces derniers temps. Après le grand établissement de Marc Veyrat à Annecy, descendu sans sommation d’une étoile, l’année dernière, à la grande colère du chef savoyard, c’est maintenant au tour de la maison Bocuse de faire les frais du même triste sort.

Un coup portée à la gastronomie française

Le sacro-saint guide rouge qui fait et défait les réputations des meilleurs chefs français et mondiaux serait-il en perte de vitesse et à la recherche de nouveaux moyens de faire le buzz ? Certains finissent par le murmurer après cette annonce de la perte d’une étoile par le légendaire établissement de Collonges-au-Mont-D’or. De là où il se trouve, Paul Bocuse, notre non moins légendaire et regretté cuisinier national doit trouver la nouvelle bien amère : lui qui a, durant toute sa vie, respirer, vibrer, créer, au rythme de ses casseroles, lui qui a même révolutionné la gastronomie française, et qui a aussi tant œuvré pour la transmission de ce legs culinaire à des générations de chefs, dans ses maisons et bien au delà. Quand on sait à quel point ce dernier était devenu une figure de la cuisine au niveau national et mondial, cette étoile qui tombe fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel de la gastronomie française. Si l’on ajoute à cela la punition financière immédiate que se voit, en général, infliger un établissement de ce standing en perdant une étoile, on se dit que grande est la responsabilité du critique ayant décidé, sur la foi de son propre palais et d’une déconvenue, de prendre une telle décision.

Plus dure à gagner qu’à perdre ?

Dans cette dure course aux étoiles, on pense aussi à Bernard Loiseau, génie de la cuisine française, porté aux nues par les critiques et qui avait fini par y brûler ses ailes et y laisser sa vie. Avec tous les investissements ou les pertes que cela suppose pour les maisons concernées, on n’en vient même à se demander si, une fois monté au pinacle par ces mêmes guides et critiques, il ne serait pas, un peu plus responsable de jouer, avec eux, la transparence, avant de les amputer d’une étoile sans aucune sommation. À défaut de cela, il faudrait au moins s’assurer que le chemin à parcourir pour perdre une étoile, quand on est entré à ce point dans le panthéon de l’excellence, soit aussi compliqué à dévaler que celui qu’il a fallu arpenter pour la conquérir. Une mauvais moment, une simple déconvenue, une légère erreur sur un assaisonnement, un plat, suffit-elle à la perdre ? Au vue de l’opacité des méthodes privilégiées par les guides, on se pose, quelquefois, la question.

Quoiqu’il en soit, pour autant que l’on respecte le travail de Michelin, si nombre d’entre nous sont affligés par la décision prise contre l’établissement de Bocuse, la raison en est simple. À travers cela, nous avons l’impression que c’est la mémoire de l’homme que l’on vient de mettre à mal. Paul Bocuse était passé du chef, à l’icone et de l’icone au symbole de la gastronomie française et il est toujours compliqué de jouer avec des symboles et des notations à la fois. Bien sûr, on ne peut pour autant prétendre qu’un établissement qui lui succède doive porter, pour l’éternité et pour la postérité, des étoiles en son nom. Mais on aurait presque aimé, ici, comme pour Marc Veyrat du reste, que les critiques dérogent un peu à la règle et que le guide se mette un peu à découvert et entre en dialogue avec les chefs avant de prendre des décisions aussi irrévocables et lapidaires. Elles lui appartiennent, me direz-vous, de même que leurs méthodes et leur politique. Pourtant, même si c’est un peu paradoxal, si l’on admet toujours facilement que le guide puisse faire des heureux, cette image de l’empereur Michelin qui baisse le pouce, pour sceller en quelques lignes, la perte de nos plus grands chefs, peut finit par être quelquefois dérangeante. Encore une fois, les investissements engagés sont immenses pour atteindre et conserver l’excellence. Et dans le cas présent, cette loi semble d’autant plus dure qu’elle nous fait l’effet de s’attaquer directement à ce qui fait notre patrimoine culturel et nos traditions.

À l’heure où la critique gastronomique s’est largement déplacée pour passer des guides papier à internet, tout ceci pourrait-il finir par jouer contre le guide lui-même ? Ce serait étonnant. L’émotion passée, le Michelin restera, sans doute, la référence pour un grand nombre d’amateurs de gastronomie. Tout cela devrait donc plutôt lui faire un (bien triste) coup de pub relayé par toute la presse. Quant aux chefs, on ne voit pas tellement quel intérêt ils auraient à le boycotter. Pour nombre d’entre eux à la conquête de réputation, le Michelin est un étalon et une institution incontournable. Les espoirs sont grands, le nombre de nouvelles maisons aussi et, dans la course à l’excellence, il sera toujours bien plus facile de se voir affubler d’une étoile que d’en perdre une.

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